BÂTIR UN RAPPORT DE FORCE FACE À LA POLICE

BÂTIR UN RAPPORT DE FORCE FACE À LA POLICE

Ce pamphlet est produit par le COBP (Collectif Opposé à la Brutalité Policière) avec la collaboration des avocats Pascal Lescarbeau et Julius Grey et avec l’assistance du GRIP-McGill.

Ce pamphlet propose des conseils pour réagir aux abus de pouvoir des policiers. Il nous informe de nos droits face à la police. Il nous propose, avant tout, des moyens d’action pour établir un rapport de force avec la police. Ces renseignements s’appliquent en grande majorité au SPCUM (Service de police de la Communauté Urbaine de Montréal). On compte sur nous-mêmes pour connaître nos droits et les faire respecter. La police abuse de ses pouvoirs presque systématiquement et particulièrement envers les personnes non-conventionnelles, les pauvres, les jeunes et celles qui remettent en question les autorités. Ces informations s’inspirent des lois canadiennes ainsi que des codes et règlements s’appliquant à la police au Québec. Ce pamphlet peut nous tirer d’affaire, il est donc pratique de l’avoir avec soi.

Montréal, Juillet 1998

1. S’identifier ?

L’identité de chacun lui appartient. Une personne n’a l’obligation de révéler son identité à un policier que dans les cas d’exception suivants :

• Elle est en état d’arrestation.

• Elle est au volant d’un véhicule motorisé : le conducteur doit montrer son permis et le certificat d’immatriculation du véhicule (attention: les passagers ne sont pas obligés de s’identifier)

• Elle est mineure et se trouve dans un débit de boisson ou dans un cinéma (elle est obligée de s’identifier pour prouver qu’elle a au moins 18 ans).

• Elle circule dans un lieu public (parc, rue…) la nuit (le refus de s’identifier peut entraîner des accusations de vagabondage selon certains règlements municipaux).

À part ces cas d’exception, absolument rien n’oblige une personne à adresser la parole à la police. Si un policier procède à une interpellation on peut faire la sourde oreille et continuer paisiblement son chemin. Si celui-ci insiste et demande à une personne de s’identifier ou de le suivre, il faut poser la question «Est-ce que je suis en état d’arrestation ?» Si ce n’est pas le cas, on lui dit poliment mais fermement qu’on ne désire ni s’identifier, ni le suivre.

Par contre, la police est obligée de s’identifier

Selon son propre code de déontologie, un flic est, lui, obligé de s’identifier et/ou de porter son badge avec son nom et son matricule. On ne doit pas hésiter à lui demander son identification, même si on n’obtient pas la réponse qu’on attend.

Faire valoir ses droits peut provoquer deux sortes de réactions de la part de la police :

• L’étonnement; la police n’est pas habituée à s’adresser à des personnes au courant de leurs droits, il est donc possible qu’elle décide de nous laisser aller sans autres questions.

• La frustration; la police peut se sentir provoquée et en profiter pour nous mettre, en effet, en état d’arrestation (voir p. 4).

Pièces d’identité

Les lois canadiennes n’exigent pas que les citoyens portent sur eux des pièces d’identité, mais en avoir pourrait éviter un tour au poste de police en cas d’infraction mineure.

On ne parle à la police que si on y est obligé

Toute information fournie à la police peut être utilisée contre nous et/ou nos amis. Si un policier tente d’engager la conversation, on peut se détourner, changer de place, faire comme s’il n’existait pas. Mais surtout on ne tombe pas dans leur piège. Depuis l’implantation de la police de quartier, ce genre de tentative se fait régulièrement et même si le policier en question fait un grand sourire et a un air sympathique, il reste un policier et son sourire peut très vite se changer en harcèlement, intimidation, chantage etc.

2. Arrestation

À moins qu’une personne soit accusée d’un crime, la police n’a pas le droit de la détenir ou de l’arrêter. Si une personne n’est ni accusée ni en état d’arrestation et que la police lui demande de s’identifier, elle l’ignore (voir exceptions p.1).

Si la police insiste, la personne leur demande si elle est accusée de quelque chose, ou si elle est en état d’arrestation. Si ce n’est pas le cas, elle doit insister pour qu’ils cessent de la harceler. Si la police ne lui dit pas qu’elle est en état d’arrestation, mais que les flics continuent de la détenir, la personne leur dit qu’elle veut partir et elle insiste, idéalement devant témoins. Personne n’est obligé de suivre les policiers, de leur obéir ou de leur parler si elle n’est pas en état d’arrestation.

Le poivre de Cayenne

Depuis janvier 1996, une directive du SPCUM stipule que les flics peuvent utiliser le poivre de Cayenne contre des personnes résistant verbalement ou physiquement à leur arrestation, avant l’usage de la force physique.

Si on est aspergé de poivre de Cayenne :

• ne pas se frotter les yeux

• se rincer abondamment les parties touchées, avec de l’eau

• ne pas paniquer, les sensations de brûlure vont passer avec le temps.

Être en état d’arrestation

Je suis accusé de quoi ?

Si une personne est en état d’arrestation, la police est légalement obligée de lui dire de quoi elle est accusée. Les accusations les plus courantes sont : méfait, voie de fait, entrave au travail d’une policier, troubler la paix, attroupement illégal. Il faut demander à la police quels sont les chefs d’accusation.

Noter les détails de l’arrestation

La police est obligée de s’identifier. Normalement leur nom et leur matricule sont indiqués sur leurs badges qu’ils portent en général sur leur veste. Il faut écrire le nom, le matricule, le grade des policiers qui procèdent à l’arrestation. Si on a ni papier, ni crayon on essaie de mémoriser ces informations. Si les policiers refusent de s’identifier, on doit garder en mémoire leur apparence physique (corpulence, couleur des cheveux, tout trait distinctif), le numéro de la voiture de police (le deux premiers chiffres indiquent parfois le poste de police), ainsi que l’heure de l’arrestation.

Arrestation sans mandat

On peut être arrêté sans mandat dans les situations suivantes :

• si on est pris en flagrant délit

• si la police a des motifs raisonnables de croire qu’on vient de commettre un délit

• si la police a des raison de croire qu’il y a un mandat contre une personne, des tickets impayés par exemple

Arrestation avec mandat

Un mandat d’arrestation est un papier que la police obtient d’un juge. Si on demande à voir le mandat, la police est obligée selon la loi de le montrer.

Un mandat doit au moins comporter le nom, la description du délit, il doit être daté et signé par un juge.

En état d’arrestation on doit fournir :

• son nom et prénom

• son adresse complète

• sa date de naissance

Dans la majorité des cas on va devoir signer une promesse de comparaître. Il faut la lire attentivement avant de la signer, et exiger une copie.

Une règle d’or, le droit au silence

À part les informations mentionnées ci-dessus, on doit garder le silence. Une personne détenue ne devrait absolument rien dire d’autre à la police. Pour le reste, se contenter de «je n’ai rien à dire» ou «je ne parlerai qu’en présence de mon avocat.»

3. Interrogatoire

Il faut garder le silence, ne rien dire à la police et/ou ne parler qu’en présence d’un avocat et ne pas laisser paraître ses sentiments.

On est en état d’arrestation et la police aura pour seul et unique but de soutirer des informations.

Il est mieux de ne rien dire, ne pas se laisser intimider, faire comme si on n’entend pas. La police a des méthodes d’interrogatoire et elle tentera de les appliquer.

Bon flic, mauvais flic

Le «bon flic» joue un rôle : il est poli et compréhensif. Le mauvais flic est agressif et menaçant. Le but est que le bon flic gagne la confiance du suspect.

Les promesses

Les flics vont nous promettre de laisser tomber des accusations si on coopère. Ces promesses ne sont que mensonges et chantage; rien ne les oblige à tenir parole.

Identification d’objets

La police peut nous demander d’identifier des objets nous appartenant ou pas. Il est prudent de répondre simplement qu’on n’a rien à déclarer.

Séance d’identification et faux témoins

Lors d’une séance d’identification un «témoin» peut prétendre reconnaître une personne. La police utilise ce faux témoignage pour soutirer des informations au suspect. Ne pas tomber dans le panneau et si on n’a pas encore parlé à son avocat, on doit insister sur le droit d’en rencontrer un de notre choix.

Mensonges

La police fait parfois croire que des amis ont parlé, qu’ils ont dit des choses sur une personne détenue. Il est préférable de ne rien confirmer, ne pas se compromettre, la plupart du temps ce sont des mensonges pour faire parler.

Intimidation

Les policiers peuvent utiliser toutes sortes de menaces pour faire peur, pour faire craquer. Ils mentent ou abusent de leurs pouvoirs et s’exposent ainsi à des poursuites au civil ou au criminel (immensément difficiles pour la personne portant plainte). Il est mieux de garder son calme, on ne restera pas longtemps en prison et on a des amis à l’extérieur.

La violence

Tout traitement rude ou même si la police pousse la personne, c’est de la violence physique. On doit éviter de répliquer physiquement, mais on peut se protéger de leur agression. Il ne fait pas craquer. Leur dire ce qu’ils veulent entendre prouve que l’utilisation de la violence marche. La plupart du temps la violence policière ne laisse pas de trace.

Si on est victime de brutalité policière

On doit aller voir un médecin et exiger un rapport médical physique et mental (anxiété, peur, dépression).

• Prendre ses blessures en photo.

• Trouver des personnes qui peuvent témoigner de notre état avant et après notre agression.

• Noter tout ce dont on se rappelle: comment ça s’est passé, quand, combien de policiers nous ont brutalité ou étaient présents, leur description physique, leurs noms et matricules dans la mesure du possible, et ce qu’ils ont dit.

• Alerter COBP, tél.: (514)859-9065

On n’est pas seul, il y a des gens pour nous aider. Prenons le temps et ayons le courage de dénoncer la brutalité policière. Notre dénonciation peut aider d’autres personnes.

4. Fouille

Une fouille avant arrestation est illégale

La seule situation dans laquelle les policiers sont autorisés à fouiller sans avoir d’abord arrêté est s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’on est en possession d’une arme à feu ou de drogue.

Des motifs raisonnables de croire est un concept assez vague, qui laisse la place aux fouilles abusives. Mais il ne permet certainement pas aux policiers de faire des fouilles parce qu’on est habillé d’une certaine manière, ou qu’on traîne avec des gens qu’ils n’aiment pas.

Fouille abusive

Si une personne n’est pas en état d’arrestation et que la police veut la fouiller, elle ne devrait pas se sentir obligée de coopérer. La personne ne vide pas ses poches tout de suite; elle fait savoir aux policiers qu’elle n’est pas d’accord et qu’ils abusent de leurs pouvoirs.

Que Faire ?

Lors d’une fouille, il est très pratique de se rappeler des noms et matricules des policiers, ou de leur demander de s’identifier. Ils sont obligés de s’identifier. Ainsi, il est plus facile de déposer une plainte ou de poursuivre les policiers en question. Si une personne a besoin d’aide pour le faire, elle peut contacter COBP.

Fouille après arrestation

Si une personne est arrêtée, la police peut la fouiller et examiner ses affaires. Ils doivent avoir de bonnes raisons pour l’arrêter, le simple fait de vouloir le fouiller n’est évidemment pas une raison légitime. En état d’arrestation, ils peuvent fouiller la personne pour s’assurer qu’elle ne représente pas un danger pour eux ou pour elle-même, ou encore pour trouver des preuves qui pourraient l’incriminer.

Seule un police du même sexe peut fouiller la personne.

Il y a généralement deux sortes de fouille :

• Fouille sommaire : fouille faite au-dessus des habits, examen du contenu des poches et des affaires personnelle.

• Fouille à nu : il faut se déshabiller complètement et les vêtement et affaires personnelles sont entièrement fouillés.

Si on pense avoir été fouillé d’une manière abusive et qu’on peut identifier les policiers, il est possible de porter plainte et de demander une compensation. On peut contacter COBP pour savoir comment faire.

5. Perquisition

Si on a la visite des policiers, on ne doit pas les laisser entrer chez soi. On peut sortir sur son palier, leur parler à travers la porte et leur demander pourquoi ils sont là. Il faut être ferme mais poli.

Mandat

Pour pouvoir entrer dans un domicile, la police doit être munie d’un mandat de perquisition signé par un juge et comportant les motifs de la perquisition. On doit demander à voir le mandat, le lire attentivement et essayer de retenir le plus de détails possible (les signatures par exemple). Si tout est correct, on est obligé de laisser entrer.

Que Faire ?

Si on fait obstruction à la perquisition, on peut être accusé d’entrave. Exercer plutôt son droit au silence, ne rien dire, ne pas répondre à leurs questions. On ne doit pas se laisser intimider par leurs remarques. Ils peuvent prétendre détenir de l’information; laissez-les mentir, inventer des histoires.

Il faut surveiller les policiers attentivement; chez soi rien ne nous oblige à rester dans une pièce. Il est risqué de laisser les flics se promener seuls dans son domicile. On doit s’assurer qu’ils ne dépassent pas les limites prescrites dans leur mandat. Conserver un compte-rendu détaillé de ce qu’ils ont pris, fait et dit.

Prévoir

Si on a des papiers, des informations, de la documentation qui pourraient intéresser la police, il faut s’assurer de toujours en avoir au moins une copie en lieu sûr. Il en est de même pour l’ordinateur. Si la situation générale fait qu’on s’attend à plus ou moins longue échéance à une perquisition, on doit prendre les devants et déménager ce qui pourrait les intéresser. On devrait garder à l’esprit que l’État peut fabriquer des preuves et faire usage de moyens illégaux. Ainsi, on peut préparer des plans d’urgence et des contacts en cas de besoins.

Si on est victime d’une perquisition, il est bon d’alerter les proches, amis, camarades, l’opinion publique par un autre moyen que le téléphone de la maison, car il peut être «tapé». Il faut agir !

6. Manifestation

Tout dépendant du genre de manif ou d’action, il peut être préférable de ne pas en parler au téléphone ou dans tout endroit susceptible d’être écouté.

Être ou ne pas être identifiable ?

La section identification du SPCUM «accompagne» les manifs, rassemblements, etc. dans le seul but d’identifier les manifestant-e-s, les militant-e-s, les organisateurs-trices et les animateurs-trices. On a donc le choix de porter un masque ou un déguisement, pour se protéger. Le fait d’être masqué va attirer l’attention de la police, surtout des policiers en civil et celle des médias. Être masqué ou déguisé «dans le but de commettre une infraction» constitue une infraction criminelle spécifique. Cela peut aussi faire peur à certains manifestants.

À emporter

Un stylo et du papier

Pour pouvoir noter en détail tout incident se produisant lors de l’événement. Par exemple, s’il y a des arrestations: le nom de personnes arrêtées, leur numéro de téléphone, les amis à contacter, le déroulement de l’arrestation, les agissements de la police, les numéros d’identification des voitures de police, la description des policiers et si possible leur nom et numéro de badge, les noms et numéros de téléphone de tout témoin de l’arrestation.

Appareils photo et caméras vidéo

Ils sont de première nécessité. Ils sont dissuasifs : la police n’aime pas du tout être prise sur le fait. De plus… ils permettent d’avoir notre propre section d’identification.

• Photographier les plaques d’immatriculation des véhicules de police banalisés (undercover)

• Prendre des portraits des policiers, de ceux qui pourraient en être, des provocateurs potentiels

• Photographier tout incident

Donc, ne surtout pas oublier d’apporter une quantité plus que suffisants de pellicule. Et surtout éviter que les clichés ne se retrouvent entre mauvaises mains. Il faut donc être très vigilant et essayer d’anticiper.

Matériel d’enregistrement audio

Ajouter le son à l’image, enregistrer certaines remarques et déclarations de la police est un atout appréciable.

Habillement

Avant de partir, se poser ces questions :

Est-ce que j’ai de bons souliers pour courir? La couleur de mon linge me rend-elle facilement identifiable ? Est-ce qu’on peut facilement me prendre par les cheveux ? etc.

À ne pas emporter

Son carnet d’adresse ou tout autre papier qui pourrait fournir quelque renseignement que ce soit à la police. Tout ce que les flics pourraient considérer comme une arme. Toute drogue. Ses cartes d’identité, sauf celles qu’on a choisi d’amener.

Ne pas être seul

La personne à mes côtés peut être un policier. On est prudent dans ses propos.

Policier en civil (undercover)

Si on en démasque un, ne pas en révéler l’identité seul, on pourrait être accusé d’entrave, mais faire discrètement circuler l’information aux personnes qu’on connaît, pour ne pas qu’il se sente débusqué. Puis on peut en groupe, l’encercler en sautant, chantant, le pointant du doigt. En général, il ne s’éternisera pas.

Dispersion volontaire

À la fin de la manif, on est plus vulnérable. On se disperse toujours en groupe, car si la police cible des gens, c’est souvent à ce moment qu’elle tentera de les arrêter.

Dispersion par l’anti-émeute

En cas d’attaque de l’anti-émeute :

• Éclater la manif, selon un plan, en groupes de 10/15 personnes qui s’éparpillent, pour ensuite reformer la manif

• Transformer la manif en un seul bloc très compact.

Poivre de Cayenne

Voir section Arrestation.

Les gaz lacrymogènes

HC – Fumée de dispersion de foule : cette fumée blanche est inoffensive et non-toxique, mais elle a son effet psychologique.

CN – Gaz lacrymogène conventionnel : facile à reconnaître à son odeur de pomme, le CN provoque des sensations de brûlure aux yeux et à la peau ainsi qu’une irritation des muqueuses.

CS – Gaz lacrymogène de remplacement : dix fois plus toxique que le CN, il a les mêmes effets. Ce gaz à forte odeur de poivre peut produire des nausées et des vomissements.

Que Faire ?

Ne pas paniquer, la panique amplifie les effets des gaz, qui passeront dans 10 à 15 minutes.

Aller dans un endroit aéré, face au vent en gardant les yeux ouverts, sans les frotter.

Rincer avec de l’eau le visage et les parties exposées au gaz. Ajoutez un peu de sel ou de bicarbonate de soude (la petite vache) à l’eau est plus efficace. Toute reproduction d’informations contenues dans ce document est fortement encouragée.

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